L’éveil de la conscience
La vie à l’école La Ferme des Enfants permet à tous ses usagers de faire des expériences et d’en tirer des enseignements. Un environnement humain bienveillant et un protocole de gestion des évènements rencontrés permettent aux problématiques individuelles et collectives de s’exprimer…
La bienveillance domine les relations des adultes envers les enfants. Une grande confiance leur est accordée afin qu’ils puissent se sentir eux-mêmes et s’épanouir dans la liberté. En classe, les enseignants accompagnent les enfants tour à tour pour répondre à des besoins de soutien dans les travaux individuels. Les caractéristiques de chaque personnalité est considérée et prise en compte. Néanmoins, un fonctionnement plus collectif permet aussi à chacun de trouver ses repères pour travailler la notion de préjudice.
Un certain nombre de règles régissent la vie de l’école, dont certaines règles universelles : ne pas faire mal, ne pas détériorer, respecter la paix de ce qui vit… Il existe également des règles pour la classe et des règles pour la récréation. Cet ensemble de consignes est affiché au mur et signé par tous les enfants. Cela signifie-t-il que toutes les règles sont respectées ? Certes non. Mais l’institutionnalisation des règles permet un repère autour duquel les discussions et les situations de résolution de conflit peuvent s’articuler.
La boite à mots et le Conseil d’Enfants
L’enfant de 6 à 12 ans est invité à prendre lui-même en charge sa vie dans l’école. Pour cela, des outils sont mis à sa disposition pour qu’il puisse faire valoir ses droits, être entendu ou devenir force de proposition. La première étape est « la boite à mots ». Lorsque l’enfant a une plainte à formuler ou une suggestion à faire, lorsqu’il veut manifester son désaccord ou au contraire sa satisfaction, il peut écrire (ou faire écrire) un message qu’il poste dans la boite à mots. La boite est ouverte deux fois par semaine, à l’occasion des Conseils d’Enfants, par un Président de séance (la présidence est tournante). Le Président lit les mots un à un. Suite à chaque lecture, un échange à lieu, régulé par un bâton de paroles. Tantôt, le message nécessite juste la mise à plat d’une situation, l’écoute, l’empathie. Tantôt, la situation exposée donne lieu à un vote pour trouver une solution ou établir une règle. Les Conseils d’Enfants constituent un moment fort de la vie de l’école. C’est autour de ces Conseils que chacun construit sa responsabilité et sa conscience. La vie collective est un révélateur pour accéder à la connaissance de soi… et des autres. L’enfant apprend notamment à mobiliser ses ressources pour ne pas rester dans la réaction émotionnelle et trouver des solutions constructives aux problèmes qu’il rencontre. C’est ainsi qu’il grandit, pas à pas, vers l’âge adulte.
L’école comme espace d’expression
La bienveillance accordée à l’enfant et le travail de conscience porté par le collectif enfants-adultes offrent la possibilité aux émotions de s’exprimer, et à des situations symboliques de se manifester. Ainsi, sans les garde-fous que sont la discipline, l’autorité, la répression, l’enfant a la liberté de mettre en situation ses souffrances. Les rôles qu’incarnent les enfants (l’enfant victime, l’enfant agressif, l’enfant rejeté, l’enfant en fuite devant l’apprentissage, etc) sont l’expression d’une problématique individuelle dont la source se trouve parfois dans l’histoire de l’enfant, parfois dans la sphère familiale plus ou moins élargie. Les situations vécues permettent à cette réalité d’émerger et d’être portée à la conscience de l’enfant et, surtout, de ses parents. C’est pourquoi, les parents sont invités à entendre ce qui se manifeste au-delà des faits. La remise en question qu’impliquent certaines manifestations leur est parfois difficile. C’est pourquoi, il est fortement recommandé aux parents d’inscrire leurs enfants en connaissance de cause et d’être partie-prenante dans ce processus d’éveil de la conscience.
L’accompagnement empathique des éducateurs
Pas de punitions, pas de récompenses, pas de notes… A La Ferme des Enfants, les relations de l’adulte à l’enfant, de l’enfant à l’adulte et de l’enfant envers lui-même est une invitation au respect. Mais attention : le respect est une valeur qui se cultive patiemment ! Des observateurs s’offusquent parfois que les enfants puissent casser des branches d’arbres, s’insulter, bousculer un camarade en passant ou parler haut et fort pendant que d’autres font du yoga… Et oui, si la lecture des pages de ce site vous ont donnés à rêver une charmante image d’épinal où les enfants ont des comportements dignes des plus hauts rangs de la Sagesse, revenez vite à la réalité : les élèves de La Ferme des Enfants sont d’autant plus vivants et plein de vitalité débordante qu’ils sont libres d’être eux-mêmes… Le travail de croissance de la conscience se fait sur des années, avec une infinie patience. Et un enfant, il est vrai, est un être réactif, remuant, sautant, dansant, riche de jeux et de fantaisies…! Il apprécie les expériences, d’autant plus si elles sont encouragées, et ne manifeste, en conséquence, pas toujours ce que la bienséance attend de lui… Néanmoins, et sur le long terme, nous prétendons construire des êtres humains équilibrés, altruistes et confiants. Ces qualités tiennent aussi à l’accompagnement empathique des éducateurs qui sont invités à se positionner en faveur de l’enfant et non contre lui. Les éducateurs sont formés à la communication non-violente.
De la difficulté de tansformer nos conditionnements
Alice Miller et Olivier Maurel (voir bibliographie) l’ont révélé : il nous est difficile de nous défaire de nos conditionnements et de remettre en cause nos parents que l’enfant que nous étions a aimé sans condition. Ainsi, si la plupart d’entre nous avons reçu une éducation violente, avec son lot de punitions, brimades, chantages, châtiments, nous avons refoulé nos ressentis et nous nous sommes adaptés. Pour l’enfant, il s’agit d’une question de survie : il est dépendant de ses parents pour vivre et grandir, il est donc obligé d’accepter sa condition. De nombreux jeunes parents se mettent aujourd’hui en quête de vérité en termes d’accompagnement de l’enfant. Avec l’apport de la psychologie et les nombreuses investigations que nous menons pour mieux comprendre ce qui nous détermine, nous avons de plus en plus conscience que toute violence faite à l’enfant peut avoir de graves répercussions sur sa vie et sur le destin des sociétés humaines. Nous devons nous défaire de la croyance fortement ancrée que l’enfant a besoin d’être dominé et conformé pour devenir un être humain digne de ce nom. Mais l’enfant ne doit pas être victime de notre réaction, et être abandonné dans une absence de référence. Nous savons que l’enfant absorbe son environnement pour grandir et se construire. Il s’agit aussi de l’environnement humain, affectif et relationnel. Par une attitude bienveillante, paisible, par l’intérêt sincère que nous lui portons, par nos explications, par nos interventions (qui incluent les « non » quand c’est nécessaire), notre rigueur d’attitude, l’enfant peut se sentir en sécurité et grandir harmonieusement, dans une atmosphère de confiance. L’expérience nous a montré que si de nombreuses personnes se sentent en accord avec ces valeurs, la mise en application est une autre affaire, car nous pouvons nous sentir bien démunis en nous rendant volontairement orphelin d’un héritage séculaire de domination de l’enfant… Comment accompagner l’enfant sans punition, sans exercer notre pouvoir, mais en étant fort d’une autorité bienveillante ? A chacun de faire son expérience, et les nettoyages émotionnels indispensables qu’elle implique…