Le projet pédagogique
Devenir un citoyen
Nous avons abandonné le terme « élève » au profit de celui de « citoyen ». Nous sommes tous des citoyens dans l’école, quel que soit notre âge et notre rôle, et nous disposons tous d’une voix délibérative pour les prises de décision. Chaque citoyen doit connaître les fondamentaux qui soutiennent la communauté, notamment les instances de régulation sociale (le Conseil de Médiation) et de gouvernance (le conseil d’Ecole), les modalités pratiques de la Bienveillance (la langue girafe ou communication non violente), les limites géographiques de l’école et les usages du lieu. Tout citoyen peut prendre un ou des rôles dans l’organisation, créer un club ou une commission, faire une proposition, demander ou annuler une règle, faire un achat concerté, mettre en place un projet, sur décision validée par le Conseil d’Ecole. Les citoyens apprennent ainsi la vie collective, la prise de décision au consentement et ponctuellement d’autres outils de gouvernance tels que l’élection sans candidat, le consensus systémique, etc. Tout citoyen développe également une conscience citoyenne en étant co-responsable de l’ensemble de l’organisation.
L’immersion dans un environnement riche et vivant
La Ferme des Enfants a lieu dans une oasis (écolieu, selon la définition donnée par la Coopérative Oasis), entre la ferme, l’éco-camping, le jardin maraîcher, les yourtes (ludothèque, espace polyvalent…), la menuiserie, la pépinière… Elle accueille chaque année des jeunes volontaires, dont plusieurs venus de l’étranger. Elle est un lieu d’accueil pour des voyageurs, des artistes, des chercheurs, des personnalités… Elle foisonne de propositions et de pratiques diverses qui s’expriment à travers des métiers, des ateliers, des clubs, des marchés, des événements, des sorties, des passions… L’école est organisée en lieux distincts dont chacun offre des possibilités spécifiques ouvertes à tous les âges : la médiathèque, la yourte des arts, la salle de musique, le laboratoire, la cuisine, la salle de jeux, le dojo, la yourte des médiations, la classe Montessori, la salle de cours, la salle de projection, l’atelier bois, la Guinguette… Chaque jour est riche en propositions et en événements. Un planning de cours formels et d’ateliers informe les citoyens de tout ce qui se passe et leur permet de s’y inscrire. Le mélange des âges participe de cette biodiversité foisonnante, nécessaire pour l’épanouissement de l’individu. Il accélère entre autre l’efficacité de la circulation des informations, des innovations, des centres d’intérêts et développe le caregiving (terme utilisé en éthologie pour désigner la compétence naturelle des humains pour prendre soin de l’autre).
La liberté de choisir ses activités
À la Ferme des Enfants, depuis la rentrée 2016, les citoyens peuvent choisir leurs cours ou apprentissages en respectant un temps spécifique dédié au Socle Commun le matin (plans de travail pour les primaires, cours spécifiques pour les collégiens et plus). En dehors de cet engagement de base, chacun·e est libre d’occuper ses journées comme bon lui semble. Cette liberté d’action offre la liberté de développer ses centres d’intérêts et ses passions. En revanche, l’équipe pédagogique a choisi d’interdire les jeux vidéos et plus généralement les écrans de divertissement car nous estimons que ces activités sont particulièrement démobilisantes et qu’elles peuvent être menées à la maison. Les ordinateurs servent au visionnage de documentaires ou de films à visée éducative, à la pratique de CD-roms, à la recherche et à l’exploration de logiciels de travail (montage video, PAO, traitement de texte, etc).
Les relevés de compétences pour chaque citoyen sont notés à postériori à l’aide d’un passeport individuel qui liste les compétences essentielles exigées par le « socle commun ». Les activités du quotidien sont valorisées. Ainsi, si un citoyen fait des crêpes, il étudie la lecture et la compréhension de consignes, l’utilisation pertinente d’objets de mesure, les masses et volumes, la proportionnalité, les fractions, les différents états de la matière, des propriétés chimiques telles que l’émulsion, la dilution, etc. Un fichier d’auto-évaluation permet aux citoyens de valider les compétences acquises, avec le soutien des adultes accompagnants.
La sécurité affective et relationnelle
Les neurosciences affectives et sociales confirment intégralement les choix opérés à la ferme des enfants depuis son origine : la bienveillance doit être au cœur de la relation pour permettre à chacun de grandir et s’épanouir en confiance et en conscience. L’empathie reçue développe le système empathique, la compassion, l’altruisme, la confiance en soi et en l’autre, mais aussi les compétences cognitives. Une nourriture affective bienveillante permet la production d’ocytocine, en lien avec la sérotonine, la dopamine, les endorphines et libère de la disponibilité cognitive pour l’apprentissage. A la Ferme des Enfants, les adultes apprennent à communiquer en CNV, à écouter, à se remettre en question. Les citoyens ne sont ni jugés ni évalués. Ce bain relationnel positif ouvre l’individu à tout son potentiel en permettant une sécurité intérieure sur laquelle il peut s’appuyer pour se construire dans toutes ses dimensions.
Une culture de paix et de responsabilité
Lorsque la bienveillance devient une culture commune qui se diffuse dans les relations à soi, aux autres, à la nature, les comportements changent peu à peu. Les citoyens apprivoisent une conscience aiguë des enjeux relationnels grâce à l’expérience qu’ils font de leurs propres émotions et besoins. Cela leur permet de reconnaître de mieux en mieux ceux des autres. Petit à petit, chacun apprend à se sentir responsable de ce qu’il ressent, de ses comportements et du bien-vivre dans la communauté. Tous les jours, un espace de médiation permet de partager les problématiques diverses au sein de l’école : conflits, préjudices, dégradations, manquements… Chaque dysfonctionnement est examiné à la lumière des processus de communication non violente. Plusieurs citoyens ont le rôle de médiateurs dans l’école, pour faciliter les temps de médiation. Il n’y a pas d’âge pour se trouver en médiation : de la petite enfance à la personne âgée, chacun est susceptible d’être médiant un jour ou l’autre. Ces pratiques relationnelles, centrales dans la vie scolaire, permettent de bâtir une nouvelle culture : celle de l’empathie, du non-jugement, de l’accueil inconditionnel et des ressources efficaces. Sur le plan neurologique, en plus de stimuler les compétences affectives et sociales, ces pratiques permettent une bonne communication entre le cerveau émotionnel et le cerveau dit « intelligent » qui élabore des solutions constructives. Ces compétences sont essentielles pour que l’humanité puisse sortir de son enlisement relationnel archaïque au sein duquel la violence reste une pratique majoritaire dû à une immaturité émotionnelle. Le monde complexe et périlleux qui s’annonce nécessite des individus fiables qui ne se laisseront pas emporter par la déraison mais pourront, au contraire, faire preuve de compréhension, de pondération et de sagesse.
Apprentis sages
Il n’y a aucune attente à cultiver sur le devenir des citoyens scolarisés à la Ferme des Enfants. Ce qui est cultivé, au quotidien, c’est la confiance en soi, la liberté de choix et la responsabilité individuelle. Chacun apprend à mieux se connaître, fait des expériences qu’il choisit, participe à sa mesure, s’intéresse ou se passionne pour ce qui lui convient, interagit avec les autres citoyens. Attablé au festin quotidien, chacun goûte, déguste, dévore, ou s’abstient, selon les jours, les âges et les saisons.
Dans cette confiance, nous constatons que les apprentissages ont lieu, chaque jour, sur les thématiques du socle commun, et bien au-delà. Les jeunes qui ont fréquenté notre école font preuve de compétences relationnelles, d’une grande maturité, d’un sens aigu des responsabilités, de capacités d’autonomie, de créativité, d’initiative et d’une curiosité sans cesse renouvelée.